L’Écosystème de la Publication Savante en Ukraine : Une Initiative de Structuration

Le paysage de la recherche scientifique en Ukraine, riche et dynamique, a longtemps souffert d’un défi structurel majeur : une fragmentation significative. La multitude de publications, émanant d’universités, d’instituts de recherche et de sociétés savantes, rendait souvent difficile pour les chercheurs, nationaux comme internationaux, de trouver rapidement et efficacement les documents pertinents. Cette dispersion nuisait non seulement à l’efficacité de la recherche au quotidien, mais également à la visibilité globale de la production scientifique ukrainienne sur la scène mondiale. Face à ce constat, l’Académie Kyiv-Mohyla, institution réputée pour son esprit d’innovation, a lancé une initiative ambitieuse début septembre 2015 : le projet « Revues scientifiques ukrainiennes ». L’objectif principal était double : d’une part, offrir un point d’accès centralisé et, d’autre part, élever les standards de qualité éditoriale pour renforcer la compétitivité internationale.

Le cœur de ce projet est son portail en ligne, usj.org.ua, qui fonctionne comme un catalogue électronique exhaustif. Bien plus qu’une simple liste statique, ce catalogue, qui compte aujourd’hui plus de 1 500 publications, est un organisme vivant. Une équipe éditoriale dédiée travaille en permanence à son enrichissement, à son actualisation et à sa maintenance. Ce travail de curation est essentiel : il implique la correction des métadonnées pour assurer leur cohérence (un enjeu majeur pour l’interopérabilité des bases de données), la suppression minutieuse des doublons, et l’ajout constant de nouveaux titres et numéros. Cette gestion active garantit la fiabilité de l’information, un atout indispensable dans un écosystème académique où la précision bibliographique est reine.

Pour naviguer dans cette masse d’informations croissante, le portail ne se contente pas d’une simple barre de recherche. Il offre une série de filtres avancés, conçus spécifiquement pour répondre aux besoins précis de la communauté scientifique. Ces outils permettent aux chercheurs et aux bibliothécaires d’affiner leurs requêtes avec une grande granularité. Il est ainsi possible de trier les résultats par maison d’édition, ce qui permet d’évaluer la production d’une université spécifique, ou par auteur, pour suivre le parcours d’un chercheur. Les filtres par titre et par ISSN (Numéro international normalisé des publications en série) sont des outils cruciaux pour identifier des revues spécifiques sans ambiguïté.

L’une des fonctionnalités les plus puissantes est le classement thématique. Les publications sont méticuleusement cataloguées en une vingtaine de domaines disciplinaires. Cette classification permet des explorations ciblées, que ce soit pour un parcours purement disciplinaire ou pour des recherches interdisciplinaires complexes.

Voici un aperçu des grands domaines couverts par le catalogue :

  • Sciences médicales et de la santé
  • Physique et mathématiques
  • Histoire et sciences humaines
  • Droit et sciences politiques
  • Sciences économiques et gestion
  • Informatique et ingénierie
  • Philologie et linguistique

Grâce à cette taxonomie claire, un doctorant préparant une revue de littérature peut facilement cartographier son champ d’études, identifier les revues clés et les auteurs les plus prolifiques. De plus, le portail apporte une valeur ajoutée cruciale en matière d’évaluation : lorsque cela est pertinent, les fiches des publications indiquent leur indexation (ou non) dans des bases scientométriques de renommée mondiale, telles que Web of Science et Scopus. Cette information fournit un repère immédiat sur la présence internationale de la revue et son adhésion aux standards éditoriaux rigoureux exigés par ces plateformes.

Un pilier philosophique fondamental du projet est l’accès ouvert. L’initiative « Revues scientifiques ukrainiennes » s’engage à promouvoir la circulation libre et sans entrave du savoir. La consultation et le téléchargement des versions électroniques de tous les livres et numéros répertoriés sont entièrement gratuits. Fait notable, cet accès ne nécessite aucune forme d’inscription préalable, éliminant ainsi les barrières financières ou administratives. Ce choix politique favorise l’égalité d’accès à l’information scientifique, soutenant en particulier les étudiants et les chercheurs issus d’institutions disposant de budgets plus modestes. En revanche, si la lecture est libre, la soumission (l’ajout d’une nouvelle publication au catalogue) est, elle, soumise à la création d’un compte. Cette exigence n’est pas une barrière, mais une garantie de qualité : elle assure la traçabilité des dépôts, permet à l’équipe de modération de vérifier la qualité des informations soumises et d’établir un dialogue avec les déposants en cas de corrections nécessaires.

Au-delà de sa fonction de catalogue, le portail assume une mission pédagogique essentielle en mettant à disposition une section de conseils pratiques pour les auteurs et les éditeurs. Cette base de connaissances vise à uniformiser les pratiques, à améliorer la qualité intrinsèque des manuscrits et à accélérer leur indexation. On y trouve des guides détaillés sur la présentation des manuscrits (structure attendue, importance des résumés multilingues, normes de bibliographie), des informations sur les droits d’auteur, les licences ouvertes (type Creative Commons), et les processus de révision par les pairs. Le portail guide même les équipes éditoriales dans la création de sites web performants pour leurs revues, en mettant l’accent sur l’architecture de l’information et les métadonnées. L’importance de l’identité numérique du chercheur est également soulignée, avec des règles claires pour le remplissage des profils participants lors de l’ajout d’un livre, incluant l’affiliation correcte, l’utilisation de l’identifiant ORCID et la sélection de mots-clés pertinents, un sujet qui est d’ailleurs largement détaillé dans cet article de la section d’aide.

L’élément le plus distinctif de l’initiative est sans doute le « protocole Mogylansky ». Il ne s’agit pas seulement d’un guide de bonnes pratiques, mais d’un véritable ensemble de normes communes établies à l’intention de toute la communauté (auteurs, éditeurs, évaluateurs). Ce protocole formalise l’engagement envers la qualité. Il exige des descriptions bibliographiques complètes et précises, une transparence totale concernant la composition des comités éditoriaux et les processus de relecture, et l’adoption de politiques d’éthique claires (gestion du plagiat, des conflits d’intérêts, intégrité des données). Il insiste également sur une terminologie cohérente pour faciliter l’indexation automatisée et garantir l’interopérabilité avec d’autres systèmes mondiaux.

En conclusion, « Revues scientifiques ukrainiennes » transcende largement la fonction d’un simple annuaire. Le projet articule trois ambitions complémentaires : offrir un catalogue fiable et en expansion constante, simplifier l’accès au contenu scientifique par la gratuité, et diffuser des standards éditoriaux élevés via le protocole Mogylansky. Cette synergie entre la découverte, l’accès et la qualité en fait un instrument central pour la professionnalisation des équipes éditoriales, un moteur pour la collaboration interinstitutionnelle et un levier puissant pour la diffusion internationale de la recherche ukrainienne.